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VAGUE A LA VIE
2 novembre 2019

TÉMÉRITÉ... OU PAS

Il est 17 h 30 environs, je retourne vers ma voiture quand le conducteur d'une Mercedes, qui semble sortir de chez le concessionnaire, peine à se garer entre ma 106 et un autre véhicule. Subjuguée par la scène devant l'insistance du mec, je reste sur place porte ouverte admirative, mais surtout craintive pour les véhicules à sa droite et celui derrière lui qu'il est à deux doigts de percuter. Au bout de quelques secondes interminables, il finit enfin, par immobiliser son avion de chasse non sans un sourire de fierté en ma direction. Il s'extirpe. Plutôt bel homme, même si les bruns ce n'est pas trop mon style, très bien habillé, forcément, il faut que ca aille avec. Avant de monter dans mon engin, je lui adresse un moqueur : "nous n'avons pas les mêmes valeurs" ! S'en suit :

- "Ah bon, pourquoi ?
- Et là, c'est vous qui vous moquez de moi !
- Non, mais je vous invite à dîner !
- ... OK,  (hein ?) j'accepte !
- Donnez-moi votre numéro, je vous appelle avant 19 h 00...
- Et pour continuer le film à l'eau de rose, vous allez me faire livrer un bouquet de fleurs et la petite robe noire à déballer de son nœud rose, histoire de me fondre dans le décor ?
- Non, restez comme vous êtes. (Jean, Skechers blanches pull et tignasse attachée).
-OK ! "

Nos numéros échangés, je l'avertis que je vais communiquer le sien à ma fille, ainsi que l'immatriculation de sa voiture, histoire qu'il ne soit pas en danger avec une inconnue.
Comme toute femme qui se respecte, j'appelle une amie pour lui raconter cette histoire à laquelle j'ai encore du mal à croire. Voilà que je flippe, c'est chelou, je viens d'accepter l'invitation d'un inconnu et, ne nous voilons pas la face, il n'aurait vraiment eu aucun mal à trouver une miss pour lui tenir compagnie...
Bon, tout de même je me change. Peu après, le pilote chevronné me signale son arrivée. Je vais à ma fenêtre et le vois debout adossé à sa portière, chercher du regard si je suis dans le coin. Il allume une cigarette (rédhibitoire) lorsqu'il lève légèrement la tête et m'aperçoit. 

Je le rejoins. Charmant, il m'ouvre la portière. Je ne peux alors tout en prenant place, m'empêcher de faire une caresse au siège en demandant pardon. 

- D'accord... Et là vous venez de faire quoi exactement ?
- Je demande pardon à la vache de m'asseoir sur sa peau !
- (songeur, il passe sa main sur sa tête) D'accord, je vois, donc vous êtes végétarienne au pire, végétalienne ?
- Tarienne à tendance talienne
- Pas de soucis !

Un peu plus tard, il me propose une table d'hôtes chez une de ses amies où, dans un cadre chaleureux, se trouvent une dizaine de clients habitués, à les entendre discuter avec Carole la propriétaire des lieux. 
Nous passons une agréable soirée, malgré ses nombreuses pauses cigarettes. Il me raconte plein d'anecdotes liées à son métier. 51 ans, responsable des grands comptes dans les assurances, il n'a aucune connaissance de la misère. Pour lui, les gens qui disent vivre avec le SMIC dissimulent d'autres revenus (CAF et autres rentes et pensions). Il trouve que "ces" gens sont peu crédibles. Il m'agace légèrement. Il me paraît important qu'il saisisse la différence entre pauvreté matérielle et intellectuelle.
Dur dur d'apprendre à ce genre de riche ce qu'est un travailleur pauvre, ça rebondit à chaque explication avec un : " Oui, mais..." !
Après avoir quitté la table, nous nous promenons dans Poitiers jusqu'à 0h30 environs, lorsque je lui demande de me ramener. Je suis encore un peu fatiguée de ma dernière nuit travaillée.
Retour à Châtellerault, je l'invite à prendre une bière en tout bien tout honneur, ce qu'il accepte avec enthousiasme. Nous parlons, enfin, il parle. Il évoque son divorce, ses deux enfants, son actuelle épouse depuis cinq ans. Une femme qu'il aime, mais qui lui bouffe la vie par sa jalousie maladive et ses reproches incessants... J'essaie de trouver les mots, il m'émeut dans sa sincérité. Il me questionne sur ma vie personnelle, je ne lui raconte rien de particulier, mis à part ma passion pour l'écriture et quelques bribes sur mon travail. Je n'en ressens pas le besoin ni l'envie. Il adore lui aussi les mots et pose régulièrement ses émotions sur papier, dès lors que la parole ne semble plus être entendue. Ce point commun prend le pas sur tous le reste. J'ôte mes bottines et lève mes pieds sur le canapé. Il semble étonné par chacun de mes gestes, si bien que je regarde là où il regarde, persuadée qu'il y a un truc qui ne colle pas chez moi ou sur moi et qui lui déplaît. Je rentre le ventre, réajuste mon décolleté, camoufle les stigmates de ma varicelle et lui demande de cesser ses regards déstabilisants sur mes formes que je déteste déjà bien assez. Il s'exécute taquin, me rassurant sur ses pensées.

Je boude, saisis le plaide à mes côtés, et me ridiculise par une rhétorique type même de la crétine, que j'ai regrettée à la dernière syllabe soufflée. Des paroles que tu veux rattraper, car tu sais que tu forces presque ton interlocuteur à te rassurer. Trop tard !

- " Et zut, pourquoi tu n'as pas invitée une jeune belle et grande blonde à dîner ? 

- Parce que c'est toi qui t'es moquée de moi sur le parking et non la jeune blonde écervelée !

(En bonne sauveuse de la pauvre miss, victime de sa beauté) : ah le cliché à deux balles. Il ne suffit pas d'être une jeune blonde pour être écervelée (la preuve). 

Il sourit et me précise que sa femme est une petite brune de 52 ans avec des rondeurs et qu'il n'est pas très blonde (voilà un homme qui a bon goût)"!  

Il poursuit. Plus jeune il a connu des manouches. Ses parents le laissaient volontiers jouer avec ces enfants sur le terrain. Il a vu les hommes tuer le niglo et l'odeur de la cuisson lui ouvrait l'appétit. Il se souvient d'une vieille femme qui faisait cuire des pommes de terres entières dans la cendre du feu, de laquelle elle les sortait avec une longue fourchette. Puis, le gras du lard qui en fondant sous la chaleur, faisait crépiter les flammes. Puis le cuivre qu'ils brulait pour le séparer de son enveloppe en caoutchouc afin de le vendre. Son récit m'a ramenée dans mes propres souvenirs et j'avais cette douce impression qu'il connaissait la signification du terme " Heymléguès" qui indique un mélange de bons et chaleureux moments. Cela l'avait émerveillé. Les manouches l'appelaient : lolo raclo (le garçon rouge) en référence à ses joues dodues qui rougissaient très facilement.

Il est presque 4 h, j'ai l'impression de dormir éveillée. Il se lève pour repartir, je le raccompagne à la porte. Il me fait les bises et dérape volontairement. Je le stop dans son élan.  Il me présente ses excuses et me remercie. Je referme la porte.

Vers 14 h, j'appelle mon amie pour lui raconter la suite de cette soirée, moins croustillante qu'elle ne l'a imaginée. 
Sonia semble persuadée qu'il va me rappeler. Sauf que je ne le désire pas, car je ne serais la maîtresse d'aucun homme et combien même, il y a les cigarettes. Amicalement oui , c'est sans soucis. Mais dans l'immédiat, pour éviter le malaise, j'ai éffacé son numéro. J'avoue laisser dangereusement passer les années à repousser toute relation plus qu'amicale. Peur, gêne, maladresse....
Cet épisode restera une des ces belles rencontres éphémères qui se trouvent sur notre chemin dès lors qu'on cède à notre libre-arbitre.

Je fais confiance à ma clairvoyance et si je ne sens aucun danger, je ne recule jamais devant l'inhabituel. Mes amies et collègues s'étonnent de ce comportement qu'elles qualifient de téméraire.
Mais ce n'est pas la première fois que je passe une soirée avec un inconnu. Hein Daniel ?
Oui, il y a 9 ans maintenant, Daniel que je ne connaissais que sur le net, me parle d'un concert auquel il allait se rendre à Nancy. Alors que machinalement et vraiment sur le ton de l'humour, je lui rétorque accepter son invitation, loin de se laisser démonter, il me prend aussitot au mot et me dit commander un second billet. Il fit un détour depuis Dijon, pour passer me chercher à Mulhouse. Nous avons passé un très bon moment sans aucune ambiguïté. Je me suis retrouvée dans un restaurant entouré de clients avec une queue-de-pie et autres bourgeois. Daniel, lui, a passé la nuit chez nous, et le lendemain, je lui ai fait la cuisine et lui ai fait découvrir le pesto rouge.
Lorsqu'il l'a appris, Patrice, mécontent, n'en revenait pas de ce qui lui semblait être de l'audace. Mais je savais très bien qui était Daniel et le respect qu'il avait envers ma communauté, Notre amitié est sans faille et Lori (qui l'appelle Papa Dan) et moi, nous l'aimons plus qu'un membre de la famille.

Pour en revenir à Pierre, en début de soirée j'ai reçu ce doux message ci-dessous :

Merci Nérina d'avoir su provoquer cette mémorable rencontre.
Tu es spéciale pleine d'une arrogance justifiée 
Tu assommes et ramènes à la conscience avec une autre vision des choses du quotidien de la profondeur même de la vie.
Tu m'as confié détester tes rondeurs et tant d'autres choses que tu qualifies de défauts.
Je n'ai eu devant les yeux qu'une femme enfant jolie entière pleine de vie agréable et rentre dedans.
Je vais prendre cette rencontre comme un signe du destin et suivre ton conseil.
Mary vaut le coup que je me batte pour sauver notre union et je vais m'ouvrir davantage à elle.
Merci d'avoir esquivé ce rapprochement que je ne saurai pourtant pas regretter.
Cette infidélité n'aurait rien arrangé mais bizarrement à mon réveil je n'ai ressenti aucune culpabilité.
C'est avec passion que j'ai lu tes premières lignes à mon réveil chère Fille de l'eau du vent du feu et de la terre, et déjà me voilà transporté au cœur de ton monde.
Je t'embrasse et j'espère que tu accepteras de revoir ce gadjo si imparfait à l'occasion.
PIERRE
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Commentaires
F
Merci collègue, je suis émue. C'est tout aussi réciproque. C'est si agréable de voir la nuit passer aussi vite. <br /> <br /> J'ai fait les beignets manouche, mais j'ai oublié ne pas travailler la semaine prochaine.... 🙄
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E
Que la vie est belle lorsqu'elle sème autour d'elle d'enrichissantes rencontres!!!<br /> <br /> C'est pourquoi je la remercie de m'avoir fait connaitre nérina,si particulière,surtout lorsque la nuit,tous les chats sont gris.<br /> <br /> Pierre
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P
Je souris de cette description pas vraiment fausse, mais suis-je objectif ? Je t'embrasse.
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C
Belle rencontre. Bravo Néri ! ;)
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